René-Jean Caillette
1919 - 2005
Né en 1919, René-Jean Caillette est issu d’une famille de paysans. Son père décide de se former à l’ébénisterie et installe son atelier rue de Charonne à Paris dans le 9e. Très jeune, il côtoie certains acteurs de la création mobilière parisienne de l’époque tels que Louis Sognot ou encore Paul Dupré-Lafon. Attiré par le dessin, il intègre l’École des Arts Appliqués à l’Industrie en 1933 et sort major de promotion de la section ameublement en 1937 tout en suivant en parallèle des cours du soir d’histoire de l’art à l’École du musée du Louvre. Très ouvert d’esprit, il intègre, dans un premier temps, en tant que dessinateur industriel l’atelier de Schmit & Cie situé dans le faubourg Saint-Antoine puis Pomone, l’atelier d’art du Bon Marché dirigé par Albert Guénot, son ancien professeur. Il s’essaye à la gravure et au dessin et assiste le peintre Jean-Eugène Bersier en 1943 dans la réalisation d’une grande peinture destinée à orner les murs de l’Université de Dijon.
René-Jean Caillette baigne dans le milieu du Faubourg Saint-Antoine et décide de se consacrer exclusivement à la création de mobilier en série, en explorant une nouvelle esthétique aux antipodes des standards de l’époque. Il va être à l’initiative de la création de plusieurs associations afin de défendre cette nouvelle conception du meuble. Il crée ainsi avec son ami Roger Landault en 1949, le groupe Saint-Honoré et seront rejoints par Bernard Durussel, Jacques Hauville ou les frères Perreau. Le groupe est vite repéré par Marcel Gascoin et Michel Mortier. René-Jean Caillette rencontre les deux hommes et de cette rencontre naît en 1953 l’ACMS (Association des Créateurs de Modèles en Série). Le but de cette association est de vendre partout en France à prix unique une sélection de modèles conçus par des créateurs et identifiés grâce à une étiquette thermocollée avec un logo.
Afin de promouvoir son travail et dans l’espoir de perspectives commerciales, il se décide à participer au Salon des arts ménagers en 1950. Avec ses économies, il présente sur son premier stand personnel, une salle de séjour présentant des meubles juxtaposables, une desserte sur roulettes au plateau amovible et une bibliothèque secrétaire. Le pari est réussi puisqu’il vend quelques pièces.
Dans la foulée, il rencontre par l’intermédiaire d’une connaissance de son père, Georges Charron qui s’est lancé dans le commerce de meubles. Cet éditeur souhaite s’attacher les services d’un décorateur, commence alors une longue collaboration qui durera plus de vingt ans. Caillette travaille à la fois pour le compte de Charron mais aussi à son compte, il conçoit ainsi des modèles qu’il fait réaliser en petites séries en auto-édition – phénomène rare dans le design français des années 50.
En 1952, sous les conseils de Louis Bruillard, rédacteur en chef de la revue Meubles et décors et l’impulsion de Caillette, Georges Charron crée le Groupe 4. Située au 58, rue Notre-Dame de la Lorette à Paris, l’enseigne présente des pièces ultra-modernes conçues par de jeunes créateurs ; Geneviève Dangles, Alain Richard, Joseph-André Motte et René-Jean Caillette. Il dessine notamment un meuble de rangement en acajou GC2 reposant sur un piétement en tube de métal laqué noir présentant en façade deux portes coulissantes ainsi qu’une tablette inférieure constituée de lattes qui sera présenté à la Xe Triennale de Milan en 1954.
Outre Charron, Caillette collabore avec d’autres grands éditeurs de l’époque tels que Steiner, Airborne, Disderot puis plus tard Parscot ou encore Fermob. Pour Steiner, il signe de nombreux modèles d’assises dont la chaise « Coccinelle » conçue en 1957. Création des plus originales avec sa coque colorée en fibre de verre, elle bénéficie d’une couverture médiatique importante. La presse loue ses qualités mais elle ne sera malheureusement produite qu’à quelques centaines d’exemplaires. Mais la chaise la plus emblématique de sa carrière reste la chaise «Diamant». Un prototype est conçu pour l’appartement H.L.M de la section française de l’Exposition Universelle de 1958, à Bruxelles, dont il a la charge. Son piétement, alors différent, était en bois courbé. Reprise dès 1958 pour le compte de l’éditeur avec un piétement plus fin en métal laqué ou chromé, cette chaise figure parmi les icônes du design français des années 50. Dessinée à partir d’un morceau de carton plié, sa structure en bois thermoformé moulé d’une seule pièce est conçue à la manière d’un origami. Steiner la déclinera dans plusieurs types de bois. Elle fut récompensée par le Grand prix de l’Exposition Universelle de Bruxelles de 1958.
Sa participation constante aux salons nationaux comme internationaux lui permet d’asseoir sa renommée tout en montrant l’étendue de son travail de designer. Il participe aussi bien au Salon des arts ménagers et au Salon des artistes décorateurs, ainsi qu’aux Triennales de Milan ou encore aux Expositions Universelles.
Parmi ses réalisations les plus notables, on peut retenir celle du Salon des arts ménagers de 1957. Il se voit confier par les entreprises Saint-Gobain la conception de la maison du Soleil avec André Craquelin. Il s’agit ici de promouvoir l’emploi du verre pour la création d’intérieurs lumineux. Caillette présente notamment une banquette au dossier inclinable réalisée par Charron ainsi qu’un siège composé d’une pièce de cuir fendue reposant sur une structure en métal.
Pour le Salon des arts ménagers de 1961, il expose un bureau dans la sélection Formes Utiles qui a pour thématique «bureaux de dames », qui sera décliné en table de salle à manger. Cette dernière sera également exposée sur le stand de Charron. Caillette offre ici aux visiteurs ses meilleures créations. La chaise Diamant, éditée par Steiner est au côté d’une élégante table de salle à manger ainsi qu’une enfilade conçues pour former un ensemble. Baptisé Sylvie, cet ensemble obtient un véritable succès et inaugure un style très chic en vogue dans les années 60. Tout à la fois élégant et fonctionnel, précieux sans ostentation, il marie avec brio le palissandre de Rio ainsi que l’acier inoxydable.
Créateur, à l’esprit vif, il crée des modèles d’une ingéniosité poussée, déposant même pour ces derniers plusieurs brevets. C’est le cas pour son système de secrétaire, et de canapé-lit pour Steiner. De plus, le designer utilise les nouveaux matériaux disponibles sur le marché – inox, rotin, stratifié, contreplaqué moulé – ce qui lui permet de présenter un mobilier résolument moderne.
Il ne cesse d’expérimenter et est pour cela récompensé à maintes reprises. Après avoir obtenu le prix René Gabriel en 1952, il obtient la seconde place lors du Concours du Centre technique du bois en 1955 avant d’être récompensé par une médaille d’argent à la Triennale de Milan en 1960 pour sa chauffeuse en rotin dite « Triennale ».
En parallèle de ses activités de designer, René-Jean Caillette participe à la réalisation de quelques aménagements d’intérieurs. Il réalise notamment celui de la maison de Paul Breton, qui n’est autre que le commissaire général du Salon des arts ménagers. Il contribue en outre aux grands chantiers mis en place par la France de la Ve République. Il aménage ainsi le foyer de la musique – son confrère Pierre Paulin sera chargé du foyer des artistes – au sein de la nouvelle Maison de la Radio conçue par l’architecte Henry Bernard. Étendu sur tout le rez-de-chaussée ainsi que le premier étage, il doit s’adapter à un immense espace ouvert semi-circulaire disposant d’une grande hauteur sous-plafond. Il décide de cloisonner le foyer en créant des modules formant des coins de repos. Le plafond est quant à lui percé de trous concentriques disposés de façon régulière d’où descendent des spots lumineux en forme de tubes épousant ainsi le tracé semi-circulaire du plafond.
Ayant à cœur de transmettre ses connaissances et son expérience, il s’investit dans l’enseignement en devenant un professeur émérite et apprécié de tous dans les écoles les plus prestigieuses : l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs (ENSAD) dès 1954 jusqu’en 1972, l’École Supérieure des Arts Graphiques (ESAG Penninghen) de 1969 à 1981, mais aussi l’Institut visuel d’Orléans de 1985 à 1989. Il fut également collaborateur régulier pour plusieurs revues de décoration. Il a produit de nombreux écrits journalistiques sur la notion de meubles de série ou d’espace. Enfin, durant les années 70, il publia trois ouvrages didactiques destinés au grand public sur la décoration et l’aménagement intérieur.
Chronologie
1931 / Premier prix au concours de dessin de l’école de la ville de Paris
1933 - 1937 / Premier au concours de l’Ecole Supérieure des Arts appliqués à l’industrie et major de promotion
1947 / Employé chez le fabricant Schmidt & Co
Premier Salon de la Société des Artistes décorateurs
1949 / Création du groupe Saint Honoré
Rencontre de Marcel Gascoin et Michel Mortier
Création de son agence et devient son propre éditeur avec son père
1950 / Premier Salon des arts ménagers
1952 / Prix René Gabriel
1954 / Membre fondateur du Groupe 4 à l’initiative du fabricant Charron Xe Triennale de Milan / Médaille d’or
1955 / Concours du meuble français de série – Second prix
1956 / Enseigne à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs à Paris
1957 / XIe Triennale de Milan / Médaille d’argent
1958 / Salon des Arts Ménagers – Second prix du concours Inox
Grand Prix / Exposition Universelle de Bruxelles / chaise « Diamant »
1960 / XIIe Triennale de Milan
1961 / Salon des Arts Ménagers / Premier au second Concours Surnyl
1962 / Foire Internationale Artisanat et des Métiers/ Munich/Médaille d’Or
1967 / Enseigne à l’Ecole Supérieure des Beaux-Arts de Nancy
1969-1981 / Enseigne à l'École Supérieure d’Arts Graphiques de Paris
1981 / Projets pour le V.I.A. et le Mobilier National
1982 / Lauréat, lors d’un appel du V.I.A sur le thème de la chaise
1985 / Enseigne à l'Institut d’Arts visuels à Orléans jusqu’en 1989
2004 / Décès à Sens
2006 / « Fonctionnalisme et modernité », Tajan SVV, succession Caillette