Alain Richard

Luminaires et Mobilier 1950-1970

09/10/2009 - 16/11/2009

Parcours couronné de Prix et de commandes publiques, Grands prix de la Triennale de Milan (1954) et de l’Exposition Universelle de Bruxelles (1958), prestigieux Prix René Gabriel (1964)…
Aménagement de l’ambassade de France a Moscou, de nombreux ministères, tribunaux et préfecture ; aménagement de l’aéroport d’Orly, de la station de RER Auber, et d’une vingtaine de musées à partir de 1977… Il est sans doute, avec Pierre Paulin, celui qui recevra le plus de commandes du Moblier National dans les années 70. 

Elève de René Gabriel sorti major de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs en 1949, fondateur de sa propre agence dès 1952 avec son épouse la talentueuse créatrice de tissus Jacqueline Iribe, Alain Richard (né en 1926) s’imposera très vite comme l’un des brillants représentants de sa génération. 

Sur sa planche à dessin il esquisse, à 25 ans à peine, le rêve d’un mobilier de qualité destiné à l’édition à l’heure où la France du début des années 50 considère encore le luxe comme pleinement lié à l’œuvre artisanale et unique. 

Il deviendra l’un des tout premiers designers français, incarnanr cette nouvelle génération que Solange Gorse, rédactrice en chef de La Maison Française, qualifie alors de « génération des jeunes loups » au vu de son enthousiasme, de sa vitalité et sa capacité à rivaliser avec les productions scandinaves ou américaines tout en conservant les qualités d’un style français. 

Cette expostion fut la première exposition monographique consacrée à Alain Richard. 

En présence : un important ensemble de luminaires, dont, sans doute, l’une des premières gammes complètes de luminaires déclinée en Frabxe à partir d’un spot à ampoule apparente. Une quiinzaine de pièces de mobilier parmis lesquelles l’enfilade de la série 800 en Palissandre de Rio – présentée au Musée des Arts Décoratifs (MAD Paris) – et une variante en merisier. 

Des créations avant-gardistes, qui, datées des années 50-60, semblent déjà appartenir à la décennie 70. Conceptions rigoureuses, perfection des proportions, lignes pures et radicales, rafinement du détail, qualité d’exécution. Le refus du décoratif définit le style propre d’Alain Richard. 

Cette exposotion, en 2009, marquait le début d’un long cycle d’expositions dédiées aux premiers designers français par la Galerie Pascal Cuisinier. 

LE MOBILIER

Cette exposition se concentre sur les travaux mobiliers d’Alain Richard des années cinquante juste après ses toutes premières réalisations toutes en bois et souvent bicolore dans la continuité du travail de son maître disparu très tôt ; René Gabriel. Il s’agit en particulier des deux principales séries des années 50 pour Meuble TV, éditeur passionné et passionnant qui produisait en petite série du mobilier de très belle qualité et toujours dessiné par la jeune garde des designers de son époque, qualités qui ne lui permettront pas de survivre au delà des années 60. Ce sont là des pièces qui installeront le langage d’Alain Richard fait d’un fonctionnalisme rigoureux comme réponse à un besoin spécifique mais toujours servi par une esthétique sophistiquée, des proportions parfaites, des détails sur mesure et une qualité d’exécution irréprochable desquels se dégagent une chaleur, une richesse et une vraie sensualité. Le style de ces projets lui apportera une reconnaissance qui donnera lieu aux commandes nombreuses et prestigieuses des années 60 et 70. 

Vers 1953-54 il donne donc à TV des meubles en frêne, en orme, en merisier, montés sur des piètements de métal laqué noir et souvent posés sur des patins plats. Ce sont des parallélépipèdes parfaits dont la proportion générale très étudiée leur confère une élégante évidence. Cette perfection n’est jamais corrompue par aucun autre détail décoratif que la qualité des placages ; l’enfilade qui s’ouvre par deux simples portes coulissantes est juste marquée par deux poignées dans les angles du haut. Ce dessin sera repris par Florence Knoll quelques années plus tard pour une série de très grande diffusion. 

Un des meubles les plus connus d’Alain Richard est cette première série conçue sur un principe modulaire qui utilise une poignée pliée en métal comme celle qu’utilisera Paulin dans ses bureaux pour Thonet en 56-58.

Attachant beaucoup d’importance au travail du décorateur dans la maîtrise de l’espace intérieur, Alain Richard propose une gamme qui permet d’adapter un mobilier de série à un espace donné. Il pense un module de commode de 60 cm avec deux petits tiroirs et un grand auquel il ajoute une porte, deux ou deux et demi, créant ainsi une grande commode, une petite ou une grande enfilade et, par juxtaposition, un aménagement complet du mur. Ce principe du « sur mesure » adapté au meuble de série aura un grand succès tout au long des années 60 et 70.

Cette série qui fit l’objet de plusieurs couvertures de magazine de l’époque donnera lieu à des variations comme des piètements en métal chromé mat ou des façades laquées en couleur.

Les tables de cette période reprennent le même langage :  rectangulaires ou rondes, avec une ou deux allonges pour répondre aux besoins d’une famille et de son appartement qui ne comporte plus obligatoirement de salle à manger mais plutôt un espace dédié aux repas au sein de la pièce principale. La table occupe juste la place nécessaire dans le quotidien et les allonges permettent de répondre aux besoins des réceptions occasionnelles. Leur piètement est souvent métallique, les placages très sélectionnés et la mise en œuvre parfaite. 

Une très belle table aux pieds carrés en orme avec des entretoises à patine canon de fusil possède ainsi une allonge unique plaquée en stratifié noir qui reste visible le long de la table et qu’il suffit de soulever et de faire glisser afin de dégager l’espace pour deux convives supplémentaires. Enfin les deux très belles tables basses au fin piètement en biais, constituées d’épaisses lames de chêne plaquées de frêne pouvaient, agrémentées d’un coussin carré, faire office de banc d’appoint dans le salon. 

Le deuxième moment de cette création des années cinquante pour TV où il travaille beaucoup avec André Monpoix (ils deviendront les créateurs quasi-exclusifs de cet éditeur) est représenté dans l’exposition par le très bel ensemble de la « Série 800 » en palissandre de Rio, une rare version en merisier ainsi que par un important aménagement mural sur mesure comprenant sept panneaux dont un en plexiglas lumineux. Sur ces panneaux sont fixés divers aménagements (étagères, vitrine, bar/secrétaire). Cette série, l’une des plus remarquable de l’époque, date de 1958, son piètement en tube carré noir ou chrome est souligné sur les cotés par une entretoise dont la visserie est apparente. Elle est conçue sur un module de porte de 60 cm que l’on retrouve en profondeur. Le piètement surhaussé dégage autant de vide que le meuble n’occupe de plein, en façade sa ligne horizontale devient ainsi un axe de symétrie. Ce dessin lui confère une allure très originale et une véritable présence un peu hiératique, une sorte de noblesse très élégante. Les finitions en sont exceptionnelles ; Les placages les plus précieux, les sabots coniques en chrome font office de vérins de réglage, les charnières et serrures invisibles de même que les compas du bar ou les clefs sont dessinés sur mesure, les placages intérieurs sont en très beau chêne maillé, les étagères sont en verre épais et un ingénieux système de plateau/tiroir complète le bar. Les tiroirs alignés en façade présentent la seule marque de décor : quatre très belles poignées chromées en forme de double cône inversé en diabolo qui témoignent de dix années d’avance sur leur temps. La table reprend les principes esthétiques et les finitions des meubles . Deux allonges apparentes sont repliées sous les extrémités du rectangle jusqu’à la limite du piètement. Elles sont invisibles une fois ouvertes car plaquées de la même essence que le plateau. On retrouve exactement les mêmes principes dans les bureaux de cette série avec ou sans retour. La radicalité du dessin, l’élégance des piètements et la qualité des finitions en font un des plus beaux ensembles de cette deuxième partie des années cinquante, l’un des plus modernes et des plus chic qui sera éditée malgré son prix élevé presque jusqu’à la fin des années 60. 

LE LUMINAIRE

« Pierre Disderot édite son second catalogue de luminaires qui, par leur finition et leur qualité, présentent l’aspect de pièces uniques et dont les dessins sont des meilleurs designers contemporains français. » Extrait de Catalogue de la maison Disderot, 1971. 

La partie luminaire de l’exposition se concentre autour d’une série ; le  spot, dit projecteur orientable type cylindrique qui est l’appellation du catalogue Disderot. En effet, outre l’esthétique très avant-gardiste de cet objet – créé à la fin des années cinquante mais qui invente un langage formel et technique plus proche des années 70 – c’est la notion de gamme qu’il nous a paru intéressant de développer. 

L’élément de base de ce système est constitué d’un cylindre, forme géométrique simple chère à Alain Richard, muni de fentes de ventilation qui ont aussi une fonction esthétique puisqu’elles créent un effet de scintillement. D’un côté un culot perforé supporte la douille, il est réglable en profondeur pour pouvoir ajuster parfaitement l’ampoule située de l’autre côté. Cette ampoule peut être de plusieurs formes ; de type spot puisque cette gamme de luminaire fut créée pour profiter de ces nouvelles formes  d’ampoules – la lampe est dans ce cas un projecteur destiné à un éclairage direct comme sur un bureau ou en lampe de chevet ou indirect en utilisant le mur comme réflecteur. Un réflecteur tube pouvait aussi être proposé qui faisait office de cache-ampoule et permettait d’utiliser une ampoule traditionnelle comme spot directionnel. Sur le cylindre de base peuvent aussi être ajoutées deux options ; un paralume qui casse l’effet d’éblouissement de l’ampoule apparente et dirige la lumière ou un réflecteur qui reçoit la lumière d’une ampoule à culot argenté et projette donc directement une lumière entièrement réfléchie. 

Ces différentes combinaisons à partir d’un élément de base permettent de produire l’ensemble de la gamme des lumières possibles ; directe, indirecte, réfléchie et par scintillement. 

Ce principe de combinatoire à partir d’un élément de base et de variables optionnelles est encore repris pour les formes et les fonctions des luminaires puisque ce seul projecteur a donné lieu à de nombreux appareils d’éclairages. Proposés avec des options de matériaux, de couleurs, de hauteurs et de nombre de spots sur la même tige ils ont donné lieu à une gamme complète au sol, sur rail, de chevets, de bureau ou de salon. On retrouve cette même déclinaison dans des appliques murales utilisables aussi en plafonnier ou dans des lustres à plusieurs tiges pouvant comporter sur demande le nombre de projecteurs désirés. 

Quand arriveront quelques années aprés les réflecteurs semi sphériques, ils seront associé avec ceux de type cylindrique pour former des suspensions esthétiquement très innovantes ; le plafond est utilisé comme diffuseur de la lumière d’ambiance, le spot éclairant, la table, un objet ou un tableau. 

Il s’agit là sans doute de la première gamme aussi complète (presque infinie) à partir d’un même élément qui propose une réponse à tous les problèmes d’éclairage domestique.

Ce type de démarche de conception est évidemment à rapprocher de ce qui pouvait constituer les centres d’intérêts et méthodes des artistes de cette époque ; sérielles, processuelles, conceptuelles ou combinatoire… 

Alain Richard fut toujours au fait des travaux de cette avant garde à tel point qu’il fut nommé conseiller ministériel aux arts graphiques et plastiques en 1969.

Alain Richard conçoit bien sur d’autres pièces pour Pierre Disderot avec qui il entretint toujours des relations d’amitié et de travail (il réalisera d’ailleurs le graphisme des catalogues Disderot ou l’aménagement des locaux de l’entreprise). 

Ce sont par exemple ces lampes à abat jour sur socle marbre avec un très beau pied de bronze nickelé ou canon de fusil, des appliques et lampes tubes, les séries A 30 ou A 50 à abat jour et variateur, les premiers halogènes A 35 36 37… 

LES ANNEES 60/70

Si cette exposition s’est focalisée sur le début du travail d’Alain Richard, c’est bien entendu durant les années soixante et soixante-dix que son agence prendra son essor et développera ses projets les plus ambitieux et les plus complexes en particulier dans l’aménagement de l’espace. 

Il crée de nombreux projets d’objets comme la table basse ovale en laque orange sur pieds noirs sabotés de chrome mat, une étonnante coiffeuse en palissandre de Rio et stratifié blanc sur un piètement X en tube chromé (salon des arts ménagers de 1962) ou une très belle table de salle de conseil en acajou santelli sur pied en lame de chrome. 

Il signe aussi, seul ou en collaboration avec son ami André Monpoix et sa femme Jacqueline Iribe, de nombreux appartements ou maisons privés, sur mesure ou meublés de pièces d’édition. Ces projets furent souvent publiés dans les revues de décoration de l’époque pour leurs qualités fonctionnelles, esthétiques et didactiques. 

Son amitié avec Pierre Disderot ainsi que la grande disponibilité de celui-ci pour les créateurs qu’il affectionnait les ont amené à concevoir et à essayer de nombreux prototypes de luminaires et à réaliser de nombreux projets en commande spéciale jusqu’aux années 80. Ce très beau lampadaire à cinq ampoules apparentes en est un très bon exemple. Leur rigueur et leur incroyable exigence vis-à-vis d’eux-mêmes et des autres les amenaient avec Pierre Guariche aussi, souvent, à émettre des jugements catégoriques sur les projets du type : « ça c’est bien, ça, ça va et ça c’est dégueulasse ! ». Cela en dit long sur leur conscience de produire ce qu’il y avait de mieux à une époque mais aussi sur la volonté de perfection qu’ils estimaient indispensable à la réalisation de leurs pièces. 

Dans la série des projecteurs orientables type coude A18 A19 en aluminium laqué au four il décline à volonté le principe d’un tube de différentes dimensions pouvant se fixer au mur au plafond ou se poser au sol ou sur un meuble. Il se termine par une ampoule de type spot souvent de puissance importante mais atténuée par des stries en surface, par un variateur intégré et/ou un réflecteur pour ampoule à calotte argentée. Le détail esthétique parfait est que le tube reprend le diamètre de l’ampoule créant ainsi l’illusion, une fois allumée, que la lumière sort directement du tube.

Cette dimension de recherche permanente que l’on perçoit dans le renouvellement constant des projets d’Alain Richard trouvera un très bon écho aussi en la personne de Jean Coural et dans les ambitions qu’il développait au Mobilier National.

Le mobilier national, traditionnellement gardien du patrimoine mobilier de l’état français et donc de l’aménagement des résidences officielles de la république crée en 1964 un nouvel atelier de Recherche et de Création chargé de la réalisation de prototypes à partir des travaux de designers contemporains. Les pièces ainsi conçues pouvaient être données à produire à un éditeur avec le label « Mobilier National » sous réserve qu’il respecte le cahier des charges et les qualités originellement prévues. Alain Richard sera sans doute l’un de ceux, avec Pierre Paulin, à qui le Mobilier National demandera le plus de projets, en témoigne l’exposition de 2004 « 1964-2004 MOBILIER NATIONAL 40 ans de Création ».

Une gamme entière de mobilier de bureau de très belle qualité et de très belle ligne sera ainsi éditée par TFM vers 1972. On peut souligner sur cet ensemble les très beaux arrondis des liaisons horizontales/verticales, l’autonomie esthétique des portes d’avec les plateaux et joues latérales tant dans les finitions que dans le dessin, la subtilité des poignées encastrées ou l’élégante logique des patins de réception au sol.

Bien entendu son intervention ne se limite pas à la création de mobilier ou de luminaires mais aussi et surtout à aménager l’espace. L’activité de l’agence AAR consiste principalement à répondre à des concours ou à des commandes d’institutions publiques ou privées. Il est ainsi sollicité pour de nombreuses expositions ou musées (palais de Tokyo, le petit palais à Avignon, Le Louvre ou le Musée du Luxembourg). Son domaine de compétence couvre l’ensemble du champ d’intervention du décorateur/designer ; de l’aménagement de l’espace, la muséographie, la création du matériel ou des objets ou des éclairages jusqu’au design graphique. Il collabore régulièrement avec la BNP pour leurs différents sièges régionaux. Il est sollicité pour réaménager les locaux de ministères, d’ambassades, d’aéroports, d’hôpitaux, de palais de justice ou de stations de RER. L’AAR sera sans doute l’une des plus importante agence de Paris dans les années soixante-dix, tant au point de vue de la quantité de ses projets que du prestige de ses commanditaires et de la réussite des réalisations.

Si le style de l’agence évolue pour produire ce qui se fait de plus contemporain, il demeure dans tous les projets une ligne directrice faite de maîtrise, de dépouillement, de rigueur mais aussi de richesse dans les matériaux, les éclairages et les harmonies colorées. Ce savant mélange d’intelligence et de sensibilité est sans aucun doute le résultat de la collaboration de ce bel esprit avec ses amis les plus intimes ; Robert Vecchione (TV), André Monpoix, Pierre Disderot et bien sur avec son épouse la talentueuse Jacqueline Iribe.

EXPOSITION ALAIN RICHARD
EXPOSITION ALAIN RICHARD
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