Pierre Guariche

Early Design

23/10/2020 - 03/12/2020

La galerie Pascal Cuisinier présente depuis le début novembre jusqu’à la mi-février, la première exposition monographique sur ce créateur français. Pierre Guariche s’impose, aujourd’hui, comme l’un des plus importants designers de la seconde partie du vingtième siècle.

Elle aura demandé huit années de collection, plus autant de recherches et de documentation pour identifier, authentifier et réunir cette collection.

La carrière et l’intérêt de Pierre Guariche ne résident pas uniquement dans son travail de designer. Il fut avant tout, un très grand architecte d’intérieur. Comme tel, bien sur, il est peu représenté dans le monde du marché, celui de la recherche historique, des musées et des expositions, celui de la presse, des galeries et des collectionneurs… Il fait, pourtant, partie intégrante de toutes ces collections, publiques et privées au titre de designer. En effet, à part grâce à des livres -et celui sur l’architecture intérieure de Guariche reste à faire- il n’est malheureusement pas possible d’accéder au travail des architectes d’intérieur. Beaucoup de leurs œuvres n’ont pas été, ou mal photographiées, elles n’existent plus car moins pérennes que l’architecture. Les appartements ne sont pas accessibles et ont été souvent modifiés etc. De plus, pour comprendre et pour médiatiser ces recherches en matière d’espace, de distribution, de volume, de lumière, de couleur, de matériaux, il faut passer par des plans et des analyses plus complexes que de simples images. On ne retient que quelques photographies, les plus accrocheuses, souvent celles en couleur et pas toujours les plus pertinentes…

On se rabat donc sur les objets, les meubles, les luminaires, les sièges, bref la partie « design » du travail de ce type de créateur. C’est ce qui est commercialisable de manière autonome donc c’est ce que l’on connait et reconnaît et que le public peut rêver de possèder.

Si la galerie ne peut pas présenter l’architecture intérieure de Guariche, nous nous sommes attachés à sélectionner les pièces les plus originales, les plus pertinentes et bien entendu les plus rares de la production « design » de Pierre Guariche.

Nous avons ainsi fait le choix d’exclure, par exemple, la période Meurop dont nous ne savons pas ce qui a été véritablement dessiné par Guariche et qui nous semble trop faible sur le plan de l’innovation et de la qualité technique et esthétique. Elle est de plus très courante et ne correspond donc pas au travail de la galerie.

Voilà pour le contexte, quant à l’exposition à proprement parlé, elle est organisée en six chapitres, autour de trois éditeurs et de trois thématiques.

La scénographie se veut minimale et contemporaine mais, elle évoque certaines formes utilisées par Guariche autant que le soin qu’il avait dans la mise en scène des objets et des espaces. On se souvient qu’il avait remporté le prix de la plus belle boutique de Paris avec l’aménagement d’une boutique de minéralogie sur les champs Elysées !

Dès le début de sa carrière, Guariche a une image avant-gardiste de jeune homme plein de talent et d’ambition, grace à sa collaboration avec Marcel Gascoin, mais surtout, par le succès de ses luminaires dans les revues spécialisées. Aussi, ce sont des éditeurs d’avant garde qui lui demanderont de travailler pour eux. D’abord la Galerie MAI et ensuite Meubles T.V.

La Galerie MAI

Il s’agit probablement d’une des premières fois où l’on rend hommage à La galerie MAI (Meubles Architectures Installations), sise rue Bonaparte. Elle défendit pourtant, des années 40’ à 80’, la création contemporaine en matière de design y compris international. Le chapitre Galerie MAI ouvre l‘exposition car c’est elle, qui édita les premières pièces de Guariche dès 1951. D’abord une belle et rare salle à manger complète d’origine dont la façade en bois est découpée en 3 portes coulissantes, dont une en métal perforé. Il s’agit d’un des seuls exemplaires connus de ce meuble en version suspendue. Le premier lampadaire de Guariche, le G2 (le simple balancier) est montré avec un fauteuil préfacto.

Cette célèbre série en tube métallique réutilise des techniques issues des recherches de la guerre pour innover dans le meuble comme l’a fait aussi l’industrie automobile. Enfin, le meuble combinable, pour la galerie MAI présenté pour la première fois au public ! Il s’agit là d’une véritable révolution dans le mobilier, où Pierre Guariche montre déjà toute son ingéniosité et son élégance esthétique. Les prix sont malheureusement très élevés à la Galerie Mai et il faudra un autre directeur pour qu’elle connaisse un véritable succès. Les pièces de Guariche n’y seront vendues que de manière confidentielle, elles sont aujourd’hui devenues muséales.

Meubles T.V.

Pour l’éditeur Meubles T.V. c’est un peu pareil. Il fallait la passion et parfois le quasi mécénat d’un Robert Vecchione pour éditer ces jeunes créateurs à peine sortis de l’école, et pour reconnaître en eux ce qui se fera de mieux dans une époque. Cet éditeur produira ainsi du jeune Guariche, une très belle commode, dont la porte coulisse devant des tiroirs à l’anglaise réinventés, ou le très ingénieux bureau d’enfant réglable en hauteur dont il n’a été retrouvé aujourd’hui que deux exemplaires.

Les Huchers-Minvielle

Le troisième éditeur sélectionné par Pascal Cuisinier, les Huchers-Minvielle représente la grande modernité française du début des années soixante. Dix ans après la galerie MAI, le style de Guariche s’est affirmé, simplifié, modernisé. Il utilise désormais les bois foncés, le chrome, le stratifié blanc, les lignes radicales épurées à l’extrême. Les proportions toujours très sophistiquées sont plus amples, plus généreuses, plus riches. En effet, l’époque est plus faste, le développement économique s’accélère et la classe moyenne s’installe quand le secteur tertiaire ouvre de nouveaux horizons aux patrons et aux managers. Ce troisième espace d’exposition présente donc le seul bureau de la gamme PDG connu, avec son retour suspendu sans piètement ainsi que l’un des deux salons FG2 club jamais sortis sur le marché. Les lignes sont minimales, chics et intemporelles et destinent ces meubles autant à la maison qu’au bureau, autant aux années 60’ qu’à aujourd’hui.

L’exposition

L’A.R.P.

Nous ne pouvions faire l’impasse sur un des moments les plus productifs de la carrière de ce créateur, son association avec Michel Mortier et Joseph André Motte au sein de l’A.R.P de 1954 à 1957. La galerie leur avait déjà consacré une exposition monographique. Dans cette exposition, une salle entière présente quelques pièces rares comme une banquette transformable, un très beau fauteuil en bois lamellé-collé dont les ressorts sont apparents ou le seul exemplaire connu, de leur table transformable.

Le siège

Autre thème abordé dans la dernière salle de la galerie ; le siège. Il fut une des recherches les plus prolixes de ce designer pendant toute sa vie. La galerie a sélectionné cinq de ses chauffeuses les plus représentatives pour montrer les différentes réponses qu’un créateur peut proposer à la même question. On se rend alors compte que la question du style n’est pas totalement pertinente en ce qui concerne un designer. À chaque problématique, à chaque éditeur, à chaque projet, les réponses apportées sont sur mesure et donc le plus souvent différentes. Ici les cinq sièges sont totalement différents et certains sont beaucoup produits comme les sk660, d’autres rares et très recherchés, comme la chauffeuse SG10 et d’autres encore, rarissimes, comme la SS1 dont on ne connaît aujourd’hui que cette paire… La salle se termine sur la chaise la plus connue et pourtant la plus rare de Pierre Guariche, la « vraie » tonneau que tout le monde confond avec la Amsterdam de l’A.R.P. Pascal Cuisinier a donc réuni depuis dix ans les trois versions en piètement métal,en bois et la seule série de 6 bridges jamaismontrée.

Les luminaires

Evidemment la galerie ne pouvait faire une exposition sur Guariche sans les luminaires. Ils ont fait sa célébrité dans le monde entier. La galerie fut la première à identifier, depuis vingt ans, et à montrer en 2012 la collection complète de ses appareils d’éclairage. Un des murs est d’ailleurs recouvert de l’inventaire complet des luminaires de Pierre Guariche et un autre d’un ensemble de photos originales issues des archives de la galerie MAI et rachetées par la Galerie. Une sélection de ses plus beaux et plus rares appareils d’éclairage est disséminée dans l’ensemble de l’exposition comme la très belle et rare lampe de bureau G24, deux appliques encore jamais vues (G11 et G22) , et bien sûr, les plus connues comme la G25 dites « Cerf volant », la gamme complète des G1 à contrepoids etc.

Etonnamment, il n’avait pas encore été montré d’exposition d’ampleur sur ce créateur, probablement du fait du représentant des ayant droits, de la rareté des pièce et de la focalisation du marché sur la génération précédente. En effet, même si certaines pièces sont extrêmement rares car très peu produites, le marché les valorise encore très peu et il est encore possible de s’offrir une pièce majeure de Guariche pour le moins de 20.000€ et une pièce exceptionnelle pour moins 50.000€! Aujourd’hui, où la génération Prouvé/Perriand atteint des tarifs inédits et où l’on peut se demander si ce marché tiendra encore longtemps, un autre s’ouvre qui laisse la place à la redécouverte de la génération suivante, Guariche en tête. Son style est raffiné et élégant, parfaitement fonctionnel et confortable et parfaitement adapté aux appartements contemporains. Certaines pièces ont été suffisamment produites pour construire un marché mais d’autres sont extrêmement rares pour satisfaire une clientèle plus exclusive. Une monographie sort enfin que, si elle n’est pas « parfaite », a au moins le mérite d’exister, la galerie va enfin publier son catalogue raisonné des luminaires en libre accès sur le net, le représentant des ayants droits a donné son autorisation pour des rééditions, certes assez peu fidèles au modèle d’origine, mais pas cher, ce qui ouvre la porte à une notoriété auprès du grand public. Tout cela concorde pour ouvrir la voie à une reconnaissance de Guariche par le marché, qui est de nos jours, indispensable pour engager une reconnaissance institutionnelle, des recherches historiques plus approfondies, des expositions muséales, puis des livres de qualité etc.

Espérons que cette exposition inédite ouvrira la voie à une reconnaissance plus large de ce créateur passionnant et passionné. Et qu’elle permettra à certains collectionneurs de s’offrir des pièces qui seront considérées comme historiques dans quelques années…

Les luminaires de Pierre Guariche

Une collecte et une collection

Pascal Cuisinier s’intéresse depuis vingt ans aux luminaires de Pierre Guariche, qu’il considère comme les plus importants des années cinquante. Son passé de chercheur universitaire le pousse à collectionner les pièces mais surtout la documentation totalement inexistante à l’époque. Pour établir avec certitude le catalogue des créations de Guariche. Si beaucoup de choses lui étaient attribuées, il fallait faire le tri et comparer les documentations originales et de premières sources pour valider les modèles réellement conçus par l’artiste. Après dix années de recherche et de collection la galerie Pascal Cuisinier présente en 2012 une exposition exhaustive des luminaires de Pierre Guariche (il en manquait trois !) ainsi que la documentation pour établir le catalogue raisonné.