Joseph-André Motte
1925 - 2013
Né le 6 janvier 1925 à Saint-Bonnet, dans les Haute Alpes, Joseph-André Motte se passionne pour le dessin durant ses études secondaires au lycée de Gap. Il intègre l’école des Arts Appliqués à Paris dont il suit les enseignements de René Gabriel, Louis Sognot et Albert Guénot. Sorti major de promo en 1948, il entre aussitôt en tant que décorateur chez Pomone, l’atelier d’art du Bon Marché dirigé par Guénot. Il aménage déjà quelques intérieurs pour une clientèle particulière et entreprend des recherches sur le meuble de série. Joseph-André Motte devient collaborateur chez Marcel Gascoin où il côtoie de nombreux créateurs de sa génération et fait la rencontre décisive en la personne de Pierre Guariche et Michel Mortier.
Après avoir quittés Gascoin, tous trois fondent en 1954 l’A.R.P. (Atelier de Recherches Plastiques). Jusqu’en 1957, cet atelier aura pour mission de proposer aux différents fabricants et éditeurs français des meubles de série innovants. Cette expérience jette les bases de la modernité française des années 50. Le trio fera le succès des éditeurs avec qui il collabore ; Steiner et Airborne pour l’assise, Disderot pour le luminaire et Minvielle pour le mobilier. L’A.R.P invente pour Minvielle les « éléments Minvielle » soit un mobilier modulaire multifonction qui connut un succès commercial considérable, marquant les débuts de la commercialisation du meuble en kit. Pour Steiner, ils conçoivent la gamme de sièges « 640 » à partir d’une structure unique et proposent différentes variations d’accoudoirs et de piétements.
Pour Disderot, ils exploitent notamment le rotaflex, nouveau matériau plastique qui apparaît sur le marché et dessinent la très géométrique lampe E16 où une sphère en rotaflex s’insère dans une cage de forme carrée en métal laqué. Leur bureau d’étude, installé 19 rue du faubourg Saint-Antoine, présente quelques-uns des plus beaux stands du Salon des arts ménagers comme celui de 1955. Ils reçoivent, par ailleurs le premier et le deuxième prix du concours organisé par le centre technique du bois en 1955. Mais les projets personnels des trois protagonistes prenant de plus en plus d’importance, ils décident de mettre fin à l’aventure et se séparent.
En parallèle de l’A.R.P, Joseph-André Motte rejoint, en 1952, le Groupe 4 créé sous les conseils de Louis Bruillard, rédacteur en chef de la revue Meubles et décors, et l’impulsion de René-Jean Caillette par l’éditeur Georges Charron afin de renouveler la création mobilière française de l’époque en proposant des meubles aux lignes ultra modernes. L’enseigne est située au 58, rue Notre-Dame de la Lorette à Paris. Aux côtés de René-Jean Caillette, Geneviève Dangles et Alain Richard, Motte dessine des meubles aux lignes sobres et contemporaines destinés à une production en série. Retenons un lit pour une personne en acajou et piètement frêne pouvant également faire office de banquette. Présenté à la Triennale de Milan en 1954, il obtiendra la médaille d’argent.
Joseph-André Motte a toujours porté une grande importance au matériau, utilisant aussi bien le bois, l’acier inoxydable, le rotin et a collaboré avec les plus grands éditeurs de l’époque ; Steiner, Minvielle, Disderot, Charron… Il présentera successivement ses créations aux Salon des Arts Ménagers ainsi qu’au Salon des Artistes Décorateurs. Au SAM de 1957 où il reçoit le prestigieux prix René Gabriel, est présenté le fauteuil 740 édité par Steiner. Ses lignes généreuses typiques des années 50 et son confort allié à la modernité du piètement en acier inoxydable, remportent un franc succès commercial pour cette assise livrée en kit. Motte est un créateur prolixe, l’un des plus innovants, sa grande capacité d’invention formelle a souvent été copiée, son style sobre et audacieux est emblématique de la création française de l’époque. Pour l’éditeur d’appareils d’éclairage Disderot, il va concevoir une série de luminaires, en verre blanc double couche comme la lampe J13 datée de 1959 dont les lignes ne sont pas sans rappeler une certaine influence japonaise. Durant l’exposition universelle de Bruxelles en 1958, il réalise la chambre des parents au sein de l’appartement à loyer modéré – conçu par l’architecte André Hermant – pour laquelle il reçoit le Grand prix.
Tout en poursuivant ses activités de créations mobilières, il s’affirme aussi comme architecte d’intérieur et sera chargé des grands travaux de l’administration française de l’époque et répondra à des commandes prestigieuses. En effet, avec la proclamation de la Vème République, la France menée par le Général de Gaulle s’engage dans de grands travaux. Des zones à urbaniser en priorité (ZUP) sont créées afin d’édifier des logements, centres commerciaux mais aussi des bâtiments administratifs. Joseph-André Motte va largement contribuer à aménager ces nouveaux lieux comme de 1958 à 1961, où il a la charge des travaux d’aménagement de l’aéroport d’Orly avec les installations terminales de l’aéroport, la zone de transit, l’oratoire, un hôtel, un salon de thé ainsi que divers commerces. Puis, il réalisera en 1962 pour la Maison de la Radio l’ensemble de l’aménagement des bureaux de la direction générale ainsi que des salles de conférences. Il collabore également avec le Mobilier National en 1967 pour l’ameublement des palais nationaux où il dessine notamment un bureau de haut fonctionnaire où la prépondérance de matériaux luxueux tels que l’acier inoxydable, l’ébène de macassar et le cuir permet d’asseoir le pouvoir de la République française au cœur des nouvelles préfectures.
Mais un autre projet de très grande ampleur arrive en 1973. Il signe un contrat avec le comité d’esthétique de la R.A.T.P pour la rénovation des vieilles stations de métro de Paris. Jusqu’en 1983, sous la houlette de l’architecte Paul Andreu, il va proposer un nouveau style, aujourd’hui appelé style Andreu-Motte, fondé sur le blanc – grâce aux fameux carreaux biseautés. Joseph-André Motte réintroduit de la couleur dans les stations en deux endroits ; dans la rampe lumineuse et sur les sièges de la station. Ces sièges, formés d’une simple coque en métal émaillé, sont fixés sur une banquette maçonnée. Emblématique des stations, le siège « baquet » est aujourd’hui considéré comme une référence dans l’histoire du mobilier urbain. Motte rénovera une centaine de stations du métro parisien.
En parallèle des activités, Joseph-André Motte collaborera avec plusieurs magazines de décoration. Il a produit de nombreux écrits journalistiques sur la notion de meubles de série ou d’espace. Au côté de certains de ses confrères, il a été responsable des articles d’ameublement et de décoration de la revue Arts Ménagers. Il fut également professeur ou chargé de conférences dans plusieurs établissements d’enseignement supérieur comme l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs, l’École Nissim de Camondo, l’École Boulle… Ses élèves lui reconnaissent déjà à l’époque, un palmarès prestigieux.
La carrière très prestigieuse de Joseph-André Motte, sa grande rigueur et son inventivité en font l’un des créateurs les plus importants de la deuxième moitié du XXe siècle. Il sera nommé Commandeur des Arts et des Lettres – plus haute distinction – remise par le ministère de la Culture.
Chronologie
1945-1948 / Ecole Supérieure Arts appliqués à l’industrie / Major de promotion
1949 / Fauteuil Tripode édité par Rougier
1951 / Premier Salon des Artistes décorateurs
1952 / Agence ARHEC / Marcel Gascoin
1954 / Membre fondateur du Groupe 4 à l’initiative du fabricant Charron
Aéroport Orly jusqu’en 1961
Membre de l’A.R.P jusqu’en 1957
1955 / Concours du meuble français de série – Premier prix / ARP
1957 / Prix René Gabriel
Concours Société Encouragement Art et Industrie/Médaille Argent
1958 / Concours Société Encouragement Art et Industrie/Médaille Or
Grand Prix / Exposition Universelle de Bruxelles
Gamme de luminaires pour les Huchers Minvielle
1960 / Premier prix / Concours Glaces de Boussois
1961 / Maison de la Radio / direction générale / conférences-commissions
1965 / Nouvelle préfecture du Val d’Oise / Cergy Pontoise
Musée du Louvre / Muséographie / Coll. P. Paulin et A. Monpoix
1966-1968 / Président du Salon des Artistes Décorateurs
1968 / Hôtel de Ville de Grenoble
Nouvelle préfecture du Calvados / Caen
1969 / Enseigne à l’ENSAD
Hôtel de Ville de Bondy
1971 / Officier des Arts et des Lettres
Projets pour la RATP
1973-77 / Conseil de l’Europe / Strasbourg
1975 / Aérogare Lyon Satolas et d’Octeville
Gare ferroviaire Lyon Satolas et d’Octeville
Mairie de Grand Quevilly
Gamme de luminaires pour Verre Lumière
1976-1981 / Aéroport Roissy Charles de Gaulle
1982 / Médaille d’Architecture de l’Académie d’Architecture
1984 / Enseigne à l’ENSAD
1990 / Commandeur de l’Ordre des Arts et des Lettres