Pierre Guariche
1926 - 1995
Pierre Guariche est issu d’une famille parisienne spécialiste du métal et de la serrurerie électrique. Il commence par des études d’ingénierie en électricité à Bréguet, avant d’intégrer l’École des Arts Décoratifs de Paris. Il y suit les enseignements de René Gabriel ou Marcel Gascoin, deux figures majeures de la Reconstruction. Diplômé en 1949, la même année qu’André Monpoix, Alain Richard et André Simard, il est embauché par Gascoin en tant que collaborateur au sein de son agence A.R.H.E.C. Parmi ses collègues, il fait la rencontre décisive de Michel Mortier et de Joseph-André Motte.
Tous trois vont s’associer et fonder en 1954 l’A.R.P. (Atelier de Recherches Plastiques). Jusqu’en 1957, cet atelier aura pour mission de proposer aux différents fabricants et éditeurs français des meubles de série innovants. Le trio fera le succès des éditeurs avec qui il collabore ; Steiner et Airborne pour l’assise, Disderot pour le luminaire et Minvielle pour le mobilier. L’A.R.P invente pour Minvielle les «éléments Minvielle» soit un mobilier modulaire multifonction qui connut un succès commercial considérable, marquant les débuts de la commercialisation du meuble en kit. Pour Steiner, ils conçoivent la gamme de sièges « 640 » à partir d’une structure unique et proposent différentes variations d’accoudoirs et de piétements. Pour Disderot, ils exploitent notamment le rotaflex, nouveau matériau plastique qui apparaît sur le marché et dessinent la très géométrique lampe E16 où, une sphère en rotaflex s’insère dans une cage de forme carrée en métal laqué. Leur bureau d’étude, installé 19 rue du faubourg Saint-Antoine, présente quelques-uns des plus beaux stands du salon des Arts ménagers comme celui de 1955. Ils reçoivent, par ailleurs, le premier et le deuxième prix du concours organisé par le centre technique du bois en 1955. Mais, les projets personnels des trois protagonistes prenant de plus en plus d’importance, ils décident de mettre fin à l’aventure et se séparent.
Pourtant, dès 1951, Pierre Guariche commence à éditer seul ses premières créations. Il va être repéré par la galerie Mai, située au 12, rue Bonaparte à Paris qui vend alors du mobilier de Charlotte Perriand. Pour elle, il conçoit un fauteuil en chêne sanglé – décliné en une version avec coussins amovibles – qui est l’un des premiers à utiliser le système de suspension Free-Span supprimant ainsi les vieux boudins à ressorts. Il va également collaborer avec les firmes Airborne et Steiner pour lesquelles, il va créer des assises devenues aujourd’hui icones. Pour Steiner, il crée en 1951 – soit un an avant la chaise fourmi du danois Arne Jacobsen – la chaise Papyrus qui connut un grand succès. Elle est la première assise en contreplaqué thermoformé moulé d’une seule pièce en France.
A cette même époque, Pierre Guariche va s’investir et révolutionner le domaine du luminaire –en même temps que Jean Boris Lacroix, Serge Mouille, Robert Mathieu et Jacques Biny – et concevoir des appareils d’éclairage avant-gardistes devenus aujourd’hui des icônes du design français des années 50. Avec la complicité de l’éditeur Disderot, il va concevoir, durant une décennie, une gamme complète de luminaires – une quarantaine de modèles – répondant à l’ensemble des besoins de l’appartement moderne de l’époque ; le bureau, la chambre, le salon… Outre la qualité formelle et esthétique de ces créations, Pierre Guariche attache comme aucun autre une importance à la qualité de la lumière ainsi créée. En effet, si la ligne de ses luminaires – sans aucun décor ajouté – peut paraître de prime abord plutôt simple, Pierre Guariche préfère jouer des matériaux : le métal embouti, micro perforé, laqué en couleur ou encore le plexiglas. L’applique G25 dite aussi cerf-volant est certainement le modèle le plus audacieux de Pierre Guariche. Elle est l’un des rares luminaires au monde à combiner trois modes d’éclairage – direct, indirect et réfléchi – à partir d’une seule et même source lumineuse.
Dès le début des années 60, les recherches de Guariche sur le luminaire s’estompent au profit de son travail d’architecte d’intérieur qui prend tout son essor tout en poursuivant sa collaboration avec certains éditeurs. Il va notamment prendre la direction artistique de Meurop, un fabricant belge, pour lequel il va concevoir une gamme complète de meubles imposant ainsi sa vision du mobilier de série. Il collabore également avec l’éditeur Huchers Minvielle et dessine du mobilier où la prédominance du chrome marque une certaine évolution stylistique en adéquation avec les années 60 ; il crée notamment une chaise longue en 1962, la Vallée Blanche qui sera exposée à la section « Formes utiles » au sein du Salon des Arts ménagers en 1965 où il reçoit le prix René Gabriel. Recouverte de tissu blanc, sa ligne fait écho – comme son nom l’indique – à une vallée enneigée ou un glacier. Elle reçut les éloges de la critique qui la plaça dans la continuité de la chaise longue LC4 dessinée en 1928 par Perriand.
Pierre Guariche participe en qualité d’architecte d’intérieur à d’importants chantiers qui transforment la France de l’aube de la Ve République. En 1966, il réalise l’aménagement de la Maison de la Culture de Firminy, grand édifice de 112 mètres de long, implanté sur une carrière de grès houiller et dont les plans sont signés de Le Corbusier. Guariche conçoit l’ensemble du mobilier selon le « Modulor » célèbre unité de mesure instaurée par l’architecte qui permet une harmonisation des proportions adaptées à la morphologie humaine et aménage de nombreux espaces ; auditorium, salle de spectacle, salle d’expression corporelle… Il s’investit également dans la ville d’Evry, devenue la nouvelle préfecture de l’Essonne en aménageant le Palais de Justice ou encore le siège de la préfecture construite par Guy Lagneau. Il y dessine un ensemble de mobilier de bureau en collaboration avec l’ARC (Atelier de Recherche et de Création) nouvellement créé par André Malraux, ministre de la Culture, au sein du Mobilier National.
Poursuivant sa carrière comme professeur, il participe à la diffusion de son savoir en enseignant l’architecture à Tournai et le design à l’ENSAD. Reconnu par ses pairs, il est fait chevalier de l’ordre des arts et des lettres.
Pierre Guariche reste l’un des meilleurs créateurs français de sa génération par l’ampleur et la qualité de sa production mais aussi par l’importance des projets réalisés.
Chronologie
1946-1949 / École Supérieure des Arts Décoratifs/Second de Promotion
1949-1951 / Agence ARHEC/Marcel Gascoin
1950 / Premier Salon des Artistes décorateurs
Gamme luminaires / Pierre Disderot
Gamme de sièges / Airborne
1951 / Premier salon des Arts Ménagers
Gamme de sièges / Steiner
1954-1957 / Membre fondateur de l’ARP
1955 / Concours Centre Technique du Bois/Premier et second Prix/ARP
1957 / XIe Triennale de Milan / Médaille d’argent/ARP
Directeur artistique / Meurop/ Belgique
Société d’Encouragement à l’Art et Industrie/Médaille de bronze
1959 / Société d’Encouragement à l’Art et Industrie/Médaille d’argent
1960 / Firminy/Hôpital civil
1962 / Société d’Encouragement à l’Art et Industrie/Médaille d’or
1965 / Prix René Gabriel
Architecture Intérieure / La Plagne
1966 / Architecture Intérieure/Maison de la Culture/Firminy
1969 / Nouvelle Préfecture / Essonne / Mobilier National
Palais de justice / Essonne/ Mobilier National
1973 / Architecture Intérieure / Night Club/Isola 2000
Architecture Intérieure/Hôtel Méridien/ Paris
1975-1985 / Professeur à l’Ecole d’Architecture de Tournai
Lauréat de la plus belle boutique de Paris
Maitre de conférences à l’ENSAD
Résidence Athéna / Bandol / Programme hôtelier
1995 / Décès à Bandol